La période de confinement a marqué un arrêt des activités pour les ados des Hubs Léo. Mais, les équipes des Hubs de toute la France n’ont pas perdu leur motivation pour autant et ont maintenu le lien avec leur communauté grâce à divers moyens numériques. Guillaume de Chazournes, chargé de mission Adolescence – Hub Léo à la Fédération Léo Lagrange nous parle de cette période et nous donne sa vision du monde de demain.
Comment s’est déroulée cette période de confinement pour les équipes et les jeunes des Hubs Léo ?
Le 16 mars dernier, nous devions rassembler les équipes des Hubs de la Fédération Léo Lagrange pour suivre une formation au montage vidéo et préparer le séjour « Hub sous les étoiles ». Ce temps fort a malheureusement été annulé à l’annonce du confinement. Mais nous avons rebondi ! Nous avons souhaité maintenir la relation entre les différentes équipes des Hubs Léo. Pour cela, le confinement a vraiment été bénéfique, nous avons pu travailler sur beaucoup de projets sur lesquels nous n’avions pas eu le temps de nous pencher avant. Nous avons notamment eu l’occasion de lancer en ligne « Les confiné.e.s du Hub » pour maintenir le lien avec notre communauté en partageant des ressources, des idées ou simplement des réflexions sur la période que nous vivions.
Nous avons mis en place des rendez-vous par visioconférence sur Zoom pour que les animateurs puissent se retrouver, échanger leurs impressions sur la période et partager entre eux les bonnes pratiques. Ces temps nous ont permis de mettre en place de nouveaux outils et d’envisager au mieux la future reprise.
Dès le début du confinement, une frustration est née, celle de ne pas être présents physiquement pour les jeunes. Partout nous entendions parler de rupture, de décrochage scolaire et d’ados déstructurés qui avaient perdu leur rythme quotidien. Le maintien du lien entre les animateurs et les jeunes était notre priorité. Le confinement a été l’occasion de consolider ces liens via de nouvelles pratiques. Par exemple, le Hub de Noguès dans le 14e arrondissement de Paris a mis en place une plateforme pour aider scolairement les jeunes et leurs familles en les appelant régulièrement pour leur donner des coups de main. Ils ont également continué de créer une vraie solidarité en mettant en place une aide alimentaire avec la livraison de paniers repas.
Je pense également au Hub Bretagne Porte de Loire Communauté qui, à l’aide de l’un de ses jeunes, a créé un espace jeune numérique sur la plateforme Discord. Et jusqu’à 90 jeunes s’y sont connectés pendant le confinement pour participer à des animations et des challenges proposés par les animateurs ! Cette plateforme leur a permis de s’occuper, d’être ensemble, de discuter et de créer des choses collectivement. D’ailleurs, suite à cela, Noa (le jeune qui a créé la plateforme) a décidé d’aider volontairement la construction du serveur Hub Léo National sur Discord et a été présent lors de notre dernière visio avec des ingénieurs de Boeing pour co-construire un nouveau projet en ligne !
Pendant cette période fructueuse, ce sont donc de belles initiatives qui se sont mises en place et qui ont pu être valorisées au niveau national. La communauté Hub en est ressortie plus soudée et plus créative !
De nouvelles pratiques ont-elles émergées ? Si oui, lesquelles ?
Ce confinement a modifié nos manières d’utiliser le numérique mais également la vision que nous en avions. Nous nous sommes rendus compte que les espaces d’accueil pour adolescents comme les Hubs Léo ne pourraient plus être uniquement de l’accueil physique. Il est essentiel aujourd’hui de penser à la complémentarité de trois espaces.
L’espace physique qui englobe l’accueil et l’accompagnement physique au sein de nos structures.
L’espace public qui consiste à aller en déambulation dans les lieux publics où se trouvent les ados et à accompagner leurs envies et leurs idées. Cet espace permet aussi de répondre aux limites de l’espace physique, notamment dans les territoires ruraux où les possibilités de déplacements sont plus limitées et aux contraintes sanitaires actuelles avec le port du masque obligatoire dans les ACM.
Le troisième espace est l’espace virtuel sur lequel les ados sont massivement présents et au sein duquel il existe des possibilités infinies en termes d’interaction et de créations d’activités. La crise du Covid-19 nous a permis de ne plus penser cet espace comme séparé mais au contraire comme complémentaire aux deux autres espaces cités plus hauts.
Il existe aujourd’hui beaucoup de clichés et d’appréhensions sur l’usage du numérique par les jeunes. Leur connaissance et leur présence sur l’espace numérique est en effet souvent plus forte que la génération de leurs parents, ce qui crée des peurs et des incompréhensions. Néanmoins il faut arriver à faire la part des choses entre ce que le numérique peut engendrer en termes de risques (harcèlement, vision du corps, addiction à l’écran…) et ce qu’il peut apporter en termes d’opportunités (décloisonnent des espaces, horizontalité des connaissances, mise en réseau…). L’enjeu au niveau du Hub Léo est de faire passer les jeunes d’un rôle de spectateurs passifs à celui de contributeur actif de l’espace public numérique. Au-delà d’utiliser des espaces privés marchands comme Instagram ou Snapchat, l’idée est de pouvoir inciter les ados à utiliser aussi d’autres plateformes ou ils ont un plus grand contrôle sur la l’infrastructure du site, son contenu, et les échanges qui s’y produisent. Plusieurs projets sont d’ailleurs en cours : webradio des Hubs, visio aéronautique, invitation de youtubeurs..
L’enjeu est avant tout de les accompagner en leur proposant des espaces sécurisés et en passant d’une éducation AU numérique à une éducation PAR le numérique.
Pourquoi lancer le challenge national Interhubs maintenant ?
Le challenge national Interhubs est directement inspiré d’une initiative lancée par Lucile Grand, responsable du secteur jeunes Léo Lagrange de Salins-les-Bains (39), qui avait mis en place un concours de reproduction d’affiches de films avec ses jeunes pendant le confinement. Comme elle n’avait eu que des retours positifs et des supers affiches de ses jeunes, nous l’avons lancé au niveau national.
Nous avons décidé de lancer le challenge Interhubs maintenant car nous sommes dans une dynamique de reprise. En effet, la plupart des accueils de loisirs ont rouverts à partir de début juillet. Il s’agit là d’une belle activité à mettre en place avec les jeunes qui nous permet de continuer à garder le lien avec eux. La remise des prix sera l’occasion de remplacer un peu le Hub sous les étoiles par un évènement en ligne festif.
Comment se passe la reprise ?
Une grande partie de la communauté Hub a repris à temps plein ou à mi-temps. Pas tous malheureusement. Pour ceux qui ont repris il s’agit aujourd’hui de mettre les lieux d’accueil aux normes du protocole sanitaire mais aussi de rassurer les familles sur les conditions d’accueil de leurs enfants. Au niveau national, nous partageons régulièrement les mises à jour des protocoles sanitaire avec les animateurs ainsi que des infos sur les dispositifs du moment autour des vacances apprenantes.
Nous mettons tout en œuvre pour que tout se déroule au mieux, les animateurs sont très mobilisés et hyper créatifs pour adapter les activités de cet été aux normes sanitaires. Je pense par exemple à Fanny du Hub de Vitrolles qui a créé un jardin partagé et qui a fait des vidéos sur le réseau social « Tik Tok » pour sensibiliser les jeunes aux mesures sanitaires à respecter !
Cette crise vous a-t-elle fait réfléchir sur le monde d’après ? Comment le voyez-vous ?
Pendant ce confinement, nous avons dû interrompre notre activité du jour au lendemain et s’adapter. Cela a permis de prendre du recul sur nos pratiques et sur notre façon de faire les choses.
Au fil des lectures du confinement, une phrase m’a marqué, que j’avais déjà lu il y a quelques années et qui m’était resté en mémoire. Elle est de Paulo Freire, pédagogue brésilien, et elle dit : « Personne n’éduque autrui, personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent ensemble par l’intermédiaire du monde. ». Pour moi cette phrase incarne l’éducation populaire, elle nous fait comprendre que c’est par l’observation collective du monde, de ses mouvements, de ses fragilités, de ses futurs possibles que nous apprenons et construisons ensemble.
Le monde de demain, si tant est que cette expression signifie quelque chose, devra donc avant tout permettre cette construction collective des choses, et cela passera nécessairement par des rapports humains plus horizontaux et moins déterminés par les inégalités de statuts ou de richesse.
Pour les jeunes, cela impliquera de ne laisser personne de côté, d’être attentif à chacun, et surtout de faire confiance, que ce soit sur leurs aspirations, leurs rêves ou leurs critiques. Cette confiance envers les nouvelles générations ne devra pas être un pari ou une fausse promesse mais un engagement au quotidien pour leur laisser une société vivable, équitable et démocratique où ils pourront pleinement s’épanouir.
Le meilleur moyen pour accéder à ce nouveau monde sera de faire des investissements à fort taux de rentabilité. Et en termes de rentabilité, je ne connais rien de mieux que l’investissement dans l’éducation, les savoirs et la culture. Une fois qu’une idée ou une connaissance se transmet, elle n’est ni perdue ni privatisée. Au contraire elle se partage, se répand et s’enrichit.
Qu’est-ce que les Hubs Léo ?
Pour la Fédération Léo Lagrange la citoyenneté se construit à tous les âges de la vie, y compris à l’adolescence ! C’est pourquoi elle a inventé un espace d’animation innovant dédié aux adolescent.e.s de 11 à 15 ans, les Hubs Léo, avec l’ambition de leur ouvrir les possibilité de s’engager et d’initier des projets.
Le Hub Léo est un espace d’accompagnement dédié aux 11-15 ans. À un âge où les jeunes désertent les structures d’animation classiques, ce programme a été pensé pour favoriser leur capacité d’engagement avec comme porte d’entrée la question du numérique. Liant l’héritage de l’éducation populaire et l’usage du support média, le Hub Léo éveille au sens critique et donne un véritable droit de parole.
Ce dispositif permet aux adolescent.e.s de dépasser leur posture de consommateurs pour devenir acteurs de leurs loisirs. Il propose de découvrir les métiers de manière ludique avec le soutien de Boeing France, le territoire et ses ressources, de s’inscrire dans une dynamique de projet, de participer à des animations sportives, culturelles, d’éducation aux médias…
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